Un attentat kamikaze manqué à Maâtka

novembre 12th, 2007

Les citoyens du centre-ville de Maâtkas ont frôlé le pire, avant-hier soir aux environs de 20h30. Une attaque terroriste, visant à commettre un attentat kamikaze contre un contingent de la police, a été perpétrée par au moins une dizaine d’éléments armés.

La vigilance des policiers en faction a permis d’éviter un carnage parmi ces derniers ainsi qu’aux citoyens se trouvant à ce moment dans les cafés et magasins sur les lieux de l’attentat.

Hier matin, un long périmètre de sécurité était toujours maintenu aux alentours du lieu où a explosé la voiture piégée. Celle-ci a été entièrement déchiquetée. Point de trace du véhicule bourré d’explosifs, si ce n’est une partie de son moteur éjecté par la force du souffle à une quarantaine de mètres du lieu de l’attentat. Plus loin, ce sont les petites pièces accessoires qui jonchent la chaussée et les trottoirs.

La cible des terroristes, située en plein cœur du chef-lieu de Mâatkas, a été complètement éventrée. C’est l’ex-siège de la Gendarmerie nationale, affecté à la Sûreté de daïra qui l’a aménagé en un foyer avec quelques chambres pour les policiers.

Selon des témoins oculaires rencontrés hier sur place, les terroristes ont voulu réussir un attentat des plus sanglants. Tout a commencé aux environs de 20h30, quand une voiture de marque Renault 21 a franchi les barrières de sécurité érigées par les policiers aux abords de la route principale, pour marquer leur territoire.

Le véhicule, conduit par une seule personne, a foncé tout droit sur le foyer de la police. Dans sa lancée, il sera accueilli par des feux nourris des policiers qui étaient en faction. C’est à ce moment-là qu’un autre véhicule de type Renault Trafic fera son apparition, à bord duquel une dizaine de terroristes ont ouvert le feu contre les policiers. S’en est suivi un accrochage qui aura duré, selon notre témoin, près de cinq minutes, avant la très forte déflagration.

D’autres témoins rapportent que durant l’accrochage, la rue et les commerces grouillaient de monde. En face de la scène tragique, trois cafés maures et une dizaine de magasins étaient remplis de citoyens qui ont eu juste le temps de vider les lieux, alors que les commerçants se sont précipités pour baisser leurs rideaux avant que la voiture bourrée d’explosif n’explose.

Le carnage a été évité de justesse, nous dit-on, car si le kamikaze avait eu le temps de s’incruster dans sa cible, la force de la déflagration aurait pris dans son souffle tous ceux qui se trouvaient aux environs. N’empêche, les dégâts occasionnés par la bombe mobile sont très importants et ont causé une douzaine de blessés parmi les civils et cinq dans les rangs des policiers.

Les assaillants, dont un autre groupe s’était embusqué au dessus du siège de la Sûreté de daïra pour, visiblement, empêcher l’arrivée des renforts, ont profité de la cacophonie ayant suivi l’accrochage pour prendre la fuite à bord du fourgon, emportant avec eux, leur acolyte qui conduisait la voiture piégée. Celui-ci aurait été touché par les balles des policiers et serait gravement blessé, ajoutent nos témoins. C’est à partir de ce moment que les terroristes ont actionné leur bombe, en prenant la fuite vers la direction de Tizi-Ouzou en tirant des rafales et criant « Allah Akbar ».

Hier encore, le centre-ville de Mâatkas était quadrillé par un impressionnant dispositif sécuritaire composé d’éléments de la police et d’une unité d’élite de l’ANP.

Il est à préciser que la circonscription de Maâtkas est l’une des localités les plus vulnérables, aux côtés de Boghni, Ain Zaoui et Drâa El Mizan, en matière d’insécurité.

Elle se situe, en effet, au centre de trois maquis de l’ex-GSPC, à savoir la forêt d’Amjoud au Nord, El Maj (Boghni) au Sud et Boumahni (Ain Zaoui) à l’Ouest. Aussi, les CW 147 et 128 reliant cette localité à Tizi-Ouzou, demeurent parmi les itinéraires les plus dangereux à emprunter, car très connus par le nombre de faux barrages qui s’y dressent.

M.A.T.

Les mystérieuses grottes d’Ath Lahcène, Illoula Oumalou : Des forteresses pour les moudjahidine

novembre 4th, 2007

Il y a un sacré chemin entre la localité d’Azazga et le village Ath Lahcène de la commune d’Illoula Oumalou. Karim, notre conducteur, a reconnu toutefois qu’il a mis plus de temps que d’habitude pour parcourir cette distance, estimée à un peu plus de 45 km.

C’est que le mauvais temps d’un hiver rigoureux qui régnait sur toute la région ce mercredi l’a obligé à limiter sa vitesse. L’aiguille du compteur de sa Renault Mégane ne dépassait pas les 80 km/h. Il a plu tout au long du trajet. Karim, nous a récupéré à Azazga à 9h30 tapantes, sous une pluie battante. Chemin faisant, on a fait connaissance avant que Timeqbart yetswatsun, une chanson du dernier album de Farid Feragui ne soit mise dans le lecteur C.D. de la voiture “c’est mon chanteur préféré” dira Karim un peu pour réanimer la discussion. On était déjà loin d’Azazga et le brouillard devenait de plus en plus épais “nous sommes ici à Bouzeguene, nous avons fait la moitié du chemin” dira encore Karim, il était alors presque 10h 30 . La pluie n’a pas cessé de tomber. Les ruelles de la localité de Bouzeguene étaient presque vides. Les rares passants se précipitaient pour se mettre à l’abri. Les dessous de balcons leur servaient de refuges. Les quelques cafés maures existant le long de la grand-rue de la ville affichaient complets. La circulation automobile était également fluide. Nous traversons ainsi cette cité de Bouzeguene sans pouvoir profiter de l’occasion pour l’admirer. C’est que nous étions pressés de rejoindre notre destination. Il est vrai que la nature est bien belle ici. Une beauté que la pluie n’a “réussi” en fait qu’à rendre plus attirante encore. Dommage que le brouillard montant ne nous a pas laissé admirer ces hautes montagnes ou sont perchés, la et là, de paisibles villages. Dans la voiture, Farid continuait à nous bercer, on roulait depuis un peu de deux heures maintenant. Il est certain qu’on a pris de l’altitude car depuis quelques temps on ne faisait que monter. Le chemin est plus sinueux, heureusement que la route est dans un bon état sinon Karim serait contraint de réduire à néant sa vitesse. Il faut dire d’ailleurs que depuis que l’on a commencé à rouler on n’a pas trouvé un seul tronçon en bon état. Soudain Karim arrête le lecteur C.D. Il avait évidemment quelque chose à dire. C’était en fait automatique depuis notre départ, sauf qu’auparavant il ne faisait que baisser le volume. “On est presque arrivé ici c’est Tabouda” lâche-t-il. Tabouda est en fait le chef-lieu de la commune d’Illoula Oumalou. Cette localité n’a pas grand-chose pourtant d’un chef-lieu. Elle ressemble plutôt à un village quelconque, étrangement elle nous fait penser à Souk El Hed, le chef-lieu de la commune de Timizart. Tabouda se distingue toutefois par l’imposant siège de l’APC. Une belle réalisation architecturale nouvellement réceptionnée. On a appris en effet qu’elle a ouvert ses portes le 7 juillet dernier. Il était presque midi lorsque nous arrivons à l’école primaire du village Ath Lahcène. On n’a été nullement surpris par le monde qui s’y trouvait. Le village était en fait en fête.

Ifri, ou la grotte oubliée

Là nous marquons, une petite escale de quelques minutes. Le temps de prendre un café et un gâteau dans une salle aménagée et en compagnie du maire local. Ce dernier nous a d’ailleurs informé qu’il “était victime d’un coup bas de la part de ses pairs du FFS” . Il n’est pas reconduit à la tête de la liste de son parti pour les prochaine élections. A peine avons-nous entamé la discussion avec notre interlocuteur qu’on nous demande déjà de reprendre la route. Destination le lieu dit Ifri, situé au sommet d’une montagne, où se trouve une grotte sou terraine qui a servi, nous dit-on de lieu de refuge aux moudjahidine durant la guerre de Libération une cérémonie est prévue sur les lieux à l’occasion de la célébration de la journée historique du 1er Novembre. C’est la raison de notre présence sur invitation de l’association culturelle “ Ifri” et du comité du même village Ath Lahcène, lesquels sont les organisateurs de cette commémoration. Une commémoration qui s’est poursuivit le lendemain, jeudi. “Ifri” est situé sur les hauteur, d’une montagne qui se trouve juste à côté. Le village Ath Lahcène se situe en fait au pied de cette montagne. Mais pour y parvenir il faut emprunter un détour de quelques kilomètres. “Cette route mène vers Akbou” nous dira un membre de l’association organisatrice de cette manifestation, nous quittâmes alors le chemin pour emprunter une piste défoncée, conséquence des chauffeurs a eu l’audace d’aller avec leur voiture jusqu’au bout de celle-ci. “Maintenant il va falloir continuer à pied”. dira notre guide c’est ce que nous avons fait, non sans enchantement, en empruntant un sentier traversant un massif forestier. Curieusement, on a eu le sentiment qu’on était dans l’un ou l’autre film sur la guerre de Libération. Notre imagination nous a fait plonger dans le quotidien de nos ancêtres, entre ces montagnes, ces rochers et ces cyprès. La petite pluie qui tombait a assombri le décor. Nous avons marché près de 20 minutes, on arrive enfin à Ifri. Une scène a été aménagée au dessous se trouvenr les fameuses grottes. Il s’agit en réalité de cinq (5) grottes. Nous, on n’a vu que deux… les autres sont en bas. Elles sont pas si loin, mais il est impossible d’y arriver car les rochers sont glissants” nous dit un des villageois. Une chaleur étouffante se dégageait de ces deux entrées. Des entrées exiguës. En outre pour pénétrer, il faut user d’une corde, il s’agit en fait de descendre. “Pénétrer dans ces grottes c’est courir un gros risque” nous dit encore le même villageois.

N’empêche que quelques jeunes du village Ath Lahcène ont tenté quelques expéditions à l’image d’ailleurs de notre interlocuteur, un homme d’une quarantaine d’année. “Moi je les ai toutes visitées, mais je n’ai pu aller très loin. Il fait noir à l’intérieur. Tout ce que je peux vous dire c’est que ces grottes sont séparées entre elles, nous dit encore ce dernier. Selon les anciens maquisards qu’on a abordés, une de ces grottes, la plus importante à leur yeux, a abrité presque 600 personnes pendant la guerre. Ces mêmes maquisards se souviennent du reste que les forces coloniales ont essayé à deux reprises cet au cours de l’année 1958, de détruire abri en vain “malgré sa riche histoire, ces grottes ne sont pas encore reconnues par l’Etat. La preuve il n’y a même pas de route ouverte jusqu’ici” ironis un membre de l’association Ifri. Celui-ci a tenu à souligner que son village a saisi toutes les autorités concernées à ce propos. “Nous avons déposé une demande en ce sens au niveau même du ministère des Moudjahidine, mais sans suite”. a-t-il précisé. Aux dernières nouvelles on a appris que le chef de daïra de Bouzeguene de laquelle releve la commune d’Illoula a débloqué une enveloppe de 400 millions de centimes pour l’aménagement de ces grottes. Cela dit, le plus important demeure de faire: l’ouverture d’une piste. Il est en outre nécessaire d’explorer ces sites historiques par des spécialistes.

Ces grottes constituent en fait des monuments de l’histoire algérienne. “Nous avons également sollicité les autorités locales pour la construction d’une stèle commémorative ici”, nous a-t-on dit également signalé. Un des organisateurs annonça au micro qu’il sera procédé au dépôt d’une gerbe de fleurs, dans la nature entre les rochers, faute de mieux. Il a été également procédé à la levée des couleurs, s’en est suivit ensuite quelques prises de paroles. Il faut dire que les officiels se sont distingués par leur absence “nous avons pourtant invité le wali, le chef de daïra entre autres, tout le monde s’est excusé à la dernière minute”, a expliqué un membre de l’association.

La cérémonie n’a duré que quelques minutes. Au retour, notre voiture a trouvé du mal à remonter. Elle a patiné et il a fallu l’aide des villageois pour nous en sortir. Ces quelques instants d’attente qui coïncidaient avec un moment d’éclaircie nous a donné l’opportunité d’admirer davantage les lieux. C’était vraiment splendide.

La disparition du brouillard a laissé apparaître les premières neiges sur les pics des montagnes de Djurdjura, par contre, et au milieu, juste au dessus, une file de camions étaient en train de dénaturer une des montagne. “Il s’agit d’une carrière qu’on projette de réaliser, c’est un projet auquel nous nous opposons, nous ferons tout pour l’arrêter”, nous dit Karim, on était déjà sur la route de retour à l’école. Sur place, on a été invité autour bon plat de couscous, après quoi on a eu à visiter la riche exposition préparée à l’occasion, nous avons été particulièrement attirés par des objets anciens et divers. “Ces objets ont été découverts au niveau de la grotte”, nous a-t-on affirmé.

Des cartouches, des treillis, des souliers. Nous quittons Ath Lahcène vers 17h, la fête se poursuivait encore. Cette fois-ci, c’est Fahim à bord de sa Toyota qui s’est chargée de nous ramener à Azazga.

Aït Lahcène : Un village martyre

A l’instar de Kacim, Fahim était tout aussi sympathique. C’est en somme à l’image de tous les Aït Lahcène. Un village situé donc aux frontières sentre la wilaya de Tizi et celle de Béjaïa. Lors de cette visite, nous avons été particulièrement frappés par l’organisation parfaite de ce village. Un organisation qui lui a valu un développement remarquable.

Ses différentes routes sont goudronnées. Les réseaux d’assainissement et l’AEP sont également en amélioration ainsi que celui de l’éclairage public.

Ce village aux 1 000 habitants regroupant environs, dispose aussi d’une Maison de jeunes. Par ailleurs, nous avons eu à découvrir un véritable village martyre, puisqu’il compte pas moins de 44 chahids dont huit (8) femmes.

Un ancien maquisard nous a affirmé en outre pour la petite histoire, que le Congrès de la Soummam était prévu dans ce village, Aït Lahcène “on a dû changer de lieu à cause du mulet qui transportait pas mal de documents concernant l’organisation et la tenue du Congrès.

Il se trouve que ce mulet avait disparu. Craignant que les documents ne soient tombés entre les mains des colonialistes on a donc jugé nécessaire de changer de lieu pour ce Congrès” C’est ce que nous a raconté en substance ce moudjahid.

M. O. B.

Béjaïa : Beauté et raffinement : Vieilles cités de Kabylie (2e partie)

novembre 4th, 2007

Dans ce second article, nous évoquons quelques grandes cités kabyles, qui ont fleuri au Moyen Age, voire dès l’Antiquité.

Nous avons déjà évoqué Béjaïa dans l’Antiquité, rappelons seulement qu’elle a d’abord été, un mouillage annexée par les Romains. Ces derniers l’ont ensuite cédée à Juba II, en dédommagement des Etats qu’il avait perdus et qui avaient été annexés à l’Empire. Elle est de nouveau reprise par les Romains, prenant le nom de Saldae, ainsi que l’indique une inscription retrouvée dans les ruines : COL IUL AUG SALDANI, à lire Colonia Julia Augusta Saldantium. Il semble que Saldae ait été une ville prospère avant de connaître, à la suite des guerres, causées par les schismes religieux, la décadence. Quand les musulmans arrivent, au 8ème siècle de l’ère chrétienne, elle avait perdu son importance puisqu’on ne l’évoque plus.

Il faut attendre quelques siècles pour voir Béjaïa retrouver sa gloire. C’est le prince hammadite al Nasir, “le Victorieux’’ qui lui donne sa chance. En 1067, il s’empare de la montagne kabyle et fonde, sur l’emplacement de l’ancienne cité, une nouvelle qu’il déclare aussitôt sa capitale, abandonnant la Qalaa des Banû Hammad, le berceau de ses ancêtres. C’est que Béjaïa, avec ses magnifiques paysages, son air pur et surtout son ouverture sur la mer, l’a conquis ! Il commence par faire détruire les vieux bâtiments, qui dataient sans doute de l’époque romaine, et il en construit de plus grands et surtout de plus beaux. Il avait pris soin, en quittant la Qalaa d’emmener avec lui architectes, géomètres et maçons, qui vont travailler avec acharnement de façon à faire sortir, en un temps record, une magnifique ville. Il se fait construire, pour sa résidence, un palais qui, lorsqu’il est achevé, apparaît comme une perle posée dans un écrin, ce qui a valu à ce chef d’œuvre de l’architecture hammadite le nom de Qasr al Lu’lu’a, ‘’le Palais de la Perle’’.

Béjaïa n’est pas seulement une ville charmante, c’est aussi une ville puissante, défendue par une armée nombreuse et bien entraînée. C’est aussi un lieu de savoir où s’empressent professeurs et étudiants : elle reçoit même des érudits européens, tel Raymondo Lulle. Enfin, c’est un lieu de ferveur religieuse, avec ses nombreux saints et mausolées. Al Nasir était un souverain éclairé : musulman pieux, il respectait aussi les autres religions et des communautés chrétiennes et juives autochtones ont longtemps subsisté à Béjaia. C’est pour lui rendre hommage que la ville a pris le nom d’al Nasiriya, “la ville d’al Nasir”, mais elle va garder son nom berbère de Bgayet ou Tabgayet, qui s’est perpétué jusqu’à nos jours, et que les Arabes ont déformé en Bidjaya, Béjaia.

La légende rapporte qu’après avoir fait construire Béjaïa, al Nasir, très fier de lui, l’a montrée à un saint local, Sidi Touati. Debout sur une colline, dominant la cité, il s’est écrié : ‘’Regarde les tours des palais et les minarets des mosquées, regarde ces maisons scintillant au soleil ! N’est-ce pas un magnifique spectacle ? Les siècles passeront et on parlera encore de l’œuvre d’al Nasir !’’

Le mystique secoue la tête : ‘’Malheureux, ne sais-tu donc pas que toute œuvre humaine est périssable ? Combien de villes, plus belles et plus solides se sont écroulées ? combien de civilisations ont disparu ?’’

Il arrache son burnous de ses épaules et l’étend devant les yeux du prince, lui cachant la ville : quand il le retire, al Nasir, à la place de sa ville ne voit qu’un monceau de ruines fumantes.

‘’Voilà ce qu’il adviendra de ta ville, dans quelques siècles !’’

Al Nasir est comme fou :

‘’Ma ville, mes palais, mes mosquées….’’

Sidi Touati étend de nouveau son burnous et la ville redevient ce qu’elle était : magnifique et brillant sous le soleil. ‘’Que l’orgueil ne submerge plus ton cœur, lui dit le saint, apprends à être modeste et sache que toute œuvre humaine est périssable !’’

On rapporte que al Nasir a été si impressionné par la vision d’apocalypse, qu’il est resté muet.

Il perd le sommeil et erre, dans les jardins de son palais, bouleversé. Ne pouvant plus gouverner, il abdique en faveur de son fils.

Un matin, il disparaît. On le cherche partout et on ne le retrouve pas. Ce n’est que plusieurs années plus tard que des pêcheurs découvrent sur l’îlot de Djeribia, au nord de Gouraya, un homme hirsute, à moitié nu, assis sur un rocher et plongé dans une profonde méditation.

On reconnaît le roi, on le ramène sur terre où il ne tarde pas à mourir. Cette histoire du roi et du saint n’est sans doute qu’une légende, mais une légende qui a longtemps servi à l’édification des hommes sur la fragilité des œuvres humaines !

Tiklat

Une autre cité kabyle, située non loin de Béjaïa, et qui a fait parler d’elle au Moyen Age, dans le passé, est Tiklat. Elle se trouve sur la rive gauche de l’oued Sahel (Soummam), au pied du mont Fenaïa. En fait, comme Béjaïa, Tiklat était connue dès l’antiquité. Les Romains l’appelaient Tubusuptus et Tubuscum Oppidum, d’un toponyme sans doute berbère, auquel on a ajouté le mot latin oppidum, ‘’place forte située sur une hauteur’’. On dispose de très peu d’informations sur cette forteresse qui n’est en fait citée, par les auteurs romains qu’à propos de la guerre de Tacfarinas, en 25 de JC, puis celle de Firmus, trois siècles plus tard. On se rappelle que le prince berbère s’était révolté contre l’occupant et avait organisé une insurrection qui avait réuni autour de lui un grand nombre de chefs numides et maures. Il avait, au début, remporté un franc succès, occupant la région de la Nasava (Soummam) et assiégeant Tubususptus : mais le proconsul dollabela, dépêché par les Romains, réussissent à le chasser. Au 4ème siècle, c’est un autre Berbère, Firmus, également en guerre contre l’occupant romain qui va s’emparer de Tubusuptus et en faire sa place forte. Mais trahi par les siens, Firmus a préféré se donner la mort plutôt que d’être livré à l’ennemi.

Après le départ des Romains, on ignore le sort de Tubusuptus. Le camp a été sans doute abandonné par les habitants qui sont restés, et les bâtiments sont progressivement tombés en ruines, des ruines que l’on peut encore voir aujourd’hui, à certains endroits. Elle ne réapparaît dans l’histoire qu’au 14ième siècle, à l’initiative du prince Abd-El-Wadid de Tlemcen, Abû Tachfin. Après avoir tenté, à plusieurs reprises, de s’emparer de Béjaïa, il construit, sur l’ancien camp romain, une ville fortifiée qu’il nomme Timzizdekt, un nom berbère dérivant d’une racine encore attestée dans de nombreux dialectes, ZDG, izdig, signifiant ‘’être pur’’ : Timzizdekt voulant alors dire, ‘’la purificatrice’’, ou alors ‘’le filtre’’, la ville allant, en effet, exercer un contrôle strict sur la route qui mène vers Béjaïa.

Selon les chroniques, Timzizdekt a été construite au bout de quarante jours, grâce aux efforts des architectes et des maçons que Abû Tashfine a fait venir de Tlemcen. On y a aménagé non seulement des bâtiments pour loger l’armée mais aussi des maisons, des mosquées, des bains, c’est-à-dire tous les éléments nécessaires à la vie citadine.

On ne sait à quelle époque Timzizdekt a changé de nom pour devenir Tiklat : entre-temps, elle a perdu de son aura, devenant une simple bourgade, sans grand intérêt, en tout cas ne constituant plus une menace pour Béjaia…

S. Aït Larba

(à suivre)

De Gaulle et la double face de son droit régalien

novembre 4th, 2007

« Il faut craindre chaque jour les heures de l’aube… » Madeleine Riffaut (L’Humanité, lundi 1er août 1960)

La première semaine de juillet 1960, l’ensemble des titres à la une des quotidiens et hebdomadaires français commentaient ou déploraient l’échec des pourparlers de Melun.

Le monde entier et les Français partisans d’une paix immédiate avec l’Algérie découvrent, consternés, les incohérences de la démarche gaullienne qui consiste à faire semblant de tendre la main vers la paix en avançant d’un pas, pour reculer de deux. Alors et surtout qu’il n’a pas l’alibi de ses prédécesseurs d’être à la tête d’un gouvernement faible. Le gouvernement provisoire de la République algérienne s’apprête à en tirer les conséquences, après débat interne entre les différents courants en présence, alors que sur la scène internationale, des chefs d’Etat, de plus en plus nombreux, prenant acte de la duplicité de la partie française, déclarent expressément leur soutien à la légitimité des revendications des Algériens.

L’analyse du déroulement des faits et du contexte entraîne, inévitablement, la correction, textes législatifs et documents à l’appui, des falsifications ayant pour but de dresser, par des occultations et à l’aide de références parcellaires, un portrait flatteur de de Gaulle. Seul l’accès sans restrictions aux archives publiques, ayant trait à cette période, mettrait un terme à leur exploitation spéculative. La délégation algérienne devait être reçue comme vaincue, venant gagner une paix honorable, à défaut d’avoir gagné la guerre, selon le scénario préparé par les négociateurs français. Les services d’action psychologique de l’armée, les fameux 5es bureaux, inondèrent simultanément la population de tracts l’invitant à se rendre, elle aussi, puisque ses représentants capitulaient à Melun : énième incohérence, puisque la population était réputée acquise à la France, d’après les rapports de ces mêmes 5es bureaux. Pour prendre un avantage avant la rencontre fixée pour juin, du 23 février au 5 avril, cinq têtes sont tombées au Fort Montluc à Lyon, dont deux fois en double exécution. Une trêve est observée ensuite.

Ulcéré de n’avoir pu rapporter la preuve de sa prétendue victoire sur le terrain par la reddition des leaders algériens, de Gaulle va entretenir l’illusion en rappelant envers et contre tous qu’il lui reste le sinistre droit régalien, hérité du second Empire, le maniement de la guillotine. Le 8 juillet, Mokrani Mohamed passe sous le couperet à Dijon ; suivi par Taper Boukhemis, le lendemain à Lyon et par Guelma Mohamed le 27 juillet à La Santé, à Paris. Le 28 juillet, la presse reproduit une pétition contre les exécutions d’Algériens signée par cent avocats des barreaux de Paris, Lyon, Marseille. Le 25 juillet, après un simulacre d’entrevue avec un avocat commis d’office, il refuse le recours en grâce du jeune Lakhlifi Abderrahmane, 19 ans tout juste révolus, condamné à mort le 12 janvier de la même année par le TPFA de Lyon, dans des conditions honteuses pour la justice française, selon les témoignages et comptes rendus d’audience des journalistes présents : les inculpés privés de leurs défenseurs sont expulsés du box et la sentence est rendue en l’absence de plaidoiries.

Une mobilisation, demandant de surseoir à l’exécution, démarre à l’initiative de ténors de la vie politique, intellectuelle, artistique : Aragon, Jean-Paul Sartre, François Mauriac, Pablo Picasso, Marcel Carné, Simone de Beauvoir, Georges Arnaud, Me. Henri Torrès, Jean et Pierre Prévert, Joseph Kessel, Pierre Laroche, André Stil, Elsa Triolet, Claude Roy. Ils sont rejoints par des acteurs de renom : Serge Reggiani, Danièle Delorme, Yves Robert, Raymond Bussières, Annette Poivre, René Pigaut. Ils en appellent à l’intervention du pape, de Hammarskjöld, Eisenhower, Khrouchtchev, Elisabeth II, Nehru, Bourguiba, Mohammad V, Sékou Touré, du BIT, du CICR. Une deuxième vague de protestataires lui adresse directement un appel signé d’enseignants universitaires, d’officiers de la Légion d’honneur, des avocats de Lyon appuyés par leur bâtonnier, des responsables syndicalistes, des présidents du Mouvement pour la Paix, du Secours populaire, des associations de prisonniers de guerre et de résistants, demandant que tous les Algériens soient graciés. Les quotidiens datés de dimanche-lundi 31 juillet-1er août annoncent, à la une, l’exécution de Abderrahmane Lakhlifi, le samedi 30 à l’aube.

Dans un bref communiqué en guise de réponse aux multiples interventions, de Gaulle prétend qu’il a été fait application de la loi et rappelle que cette affaire est de la compétence exclusive de la justice française. Si Le monde s’en tient à un article des plus conventionnels, l’hebdomadaire L’Express du 4 août va répliquer à cette affirmation inexacte en détaillant et dénonçant les conditions d’arrestation, d’interrogatoire, de condamnations et d’exécution du jeune martyr. Cela lui vaudra d’être saisi à Alger. Dans le réquisitoire, ce patriote était accusé de « participation à une organisation formée dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes et les propriétés et de soustraire à l’autorité de la France une partie des territoires sur lesquels cette activité s’exerce ». Ce qui se traduit en langage décodé par membre du Front de libération nationale.

Dans un rapport très prudent, le médecin légiste officiel constate « 45 jours après, sur son corps des lésions qui ressemblent à des cicatrices de brûlures et qui peuvent parfaitement avoir été provoquées par le passage de courant électrique ». On lui refusa l’assistance de l’avocat algérien qu’il avait choisi et qui n’avait pas non plus été reçu à l’Elysée pour plaider le recours en grâce ; un avocat commis d’office ayant été convoqué à sa place. La nouvelle s’est répandue le matin même dans les maquis. L’ALN, dans une embuscade, intercepte un convoi de l’armée française dans les falaises de Djebel Chenoua, le dimanche. Le monde titre en première page du mardi 2 août : « Près de cinq mille hommes traquent les rebelles dans le massif du Chenoua, déclaré zone interdite. » Et, le lendemain : « La bande rebelle ne serait forte que d’une trentaine d’hommes. »

Dans les mêmes éditions, on peut lire : « Un obus piégé explose dans le train Alger-Oran », mais aussi « L’objecteur de conscience H. C… est condamné à deux ans de prison pour son second refus d’obéissance » ou encore, « Un champion de ski, mobilisé, tue accidentellement un de ses camarades. » Des tracts appelant les jeunes gens à l’insoumission sont distribués à Paris ; l’hebdomadaire Témoignage Chrétien est poursuivi pour provocation des militaires à la désobéissance. Parfois, un petit encart publicitaire invite à participer à la « Tombola du soldat ». Qui doutait encore de l’issue du conflit ? Ce qui n’empêche pas, dans les colonnes voisines, M. P. Delouvrier, délégué général du gouvernement, de déclarer : « Actuellement se fonde en Algérie une entreprise industrielle tous les deux jours » et le « Bulletin d’information du ministère des armées » de constater les progrès de la pacification et d’annoncer une nouvelle direction de l’information avec des méthodes rénovées et des moyens renforcés. Le samedi 6 août, Miloud Bougandoura et Abdelkader Makhlouf sont accompagnés à l’échafaud par l’hymne national chanté par leurs compagnons du couloir de la mort de Fort Monluc : De Gaulle, dans ce cas aussi, va user d’un procédé inconnu du Code de procédure pénale qui consiste à convoquer un avocat commis d’office pour présenter le recours en grâce, une fois la date de l’exécution fixée.

Lundi 29 août, L’Humanité, dans un encadré bordé de noir, fait part de la double exécution de Mohamed Tirouche et Ali Seddiki, le samedi 27 à 5h 5, dans la cour de La Santé. Me. A. Benabdallah, avocat algérien du barreau de Paris, empêché par de multiples stratagèmes administratifs d’assurer la défense, alerte le Comité international de la Croix-Rouge sur le sort de dix-sept autres condamnés à mort dans les mêmes conditions. Sans doute pour signaler son retour de vacances, de Gaulle accroche à nouveau, à son palmarès, la tête de Mohamed Benzouzou, le 26 septembre. Salah Dehlil suivra, en janvier 1961. Les exécutions simultanées dans les prisons d’Algérie, dont certaines quadruples, comme à Oran, le lundi le 1er août, ne figurent pas dans cette étude qui est consacrée aux Algériens condamnés, exécutés dans les prisons de France : soit seize chouhada, en l’état de nos investigations à ce jour, du 23 février 1960 au 31 janvier 1961. Difficile de ne pas parler de soif inextinguible… ou de rage. Les calculs qui sous-tendent sa dernière « ruse » prêteraient à rire par leur simplisme si elle ne s’appuyait sur un recours effréné à la guillotine. De Gaulle nourrissait l’illusion de réunir une « table ronde » avec des « commissions d’élus » qui seraient opposées à toute forme d’Etat algérien et surtout, sans les exilés de Rabat, Tunis, le Caire, Pékin… Selon ses proches, il introduisait, maintes fois, ses entretiens avec ses conseillers, par « mon grand ami Bao Daï ».

Apparemment, il en cherchait un pour l’Algérie ; et puis, en désespoir de cause, pourquoi ne pas tenter de la démanteler, en enclaves géographiques et… ethniques, à savoir détacher le Sahara, garder un comptoir maritime qui serait peuplé d’Européens et de Français de souche nord-africaine, selon le vieux rêve de Georges Bidault d’une province française de l’Oranie. J.-J. Servan-Schreiber, dans son éditorial du 4 août, qualifia cette politique de machiavélisme de sous-préfecture. D’ailleurs, les journalistes français, qui ne sont pas adeptes inconditionnels de la peine capitale, verront leur cas traité par la refonte de la Loi de 1881, sur la liberté de la presse, inscrite au programme de la rentrée parlementaire. A Tunis, le GPRA, au grand complet, n’était pas en vacances et débat en audience publique devant un parterre d’observateurs et de journalistes accrédités de l’adaptation de sa stratégie face à un de Gaulle qui venait de dévoiler, à la face du monde, la manoeuvre cachée derrière son offre de pourparlers : à défaut d’une victoire par les armes, sauver sa vanité d’être le maître du jeu… et de la guillotine, en essayant de rouler tout le monde, toujours selon Servan-Schreiber.

L’échec des pourparlers de Melun va induire une nouvelle redistribution de la diplomatie de l’état major FLN/ALN dont les leaders font désormais les pages de couverture de magazines internationaux prestigieux. Ils réactivent quelques dossiers mis en attente pendant les préparatifs pour la rencontre. Dans la foulée, l’Algérie dépose auprès du gouvernement de la confédération helvétique une demande officielle de ratification des Conventions de Genève. En fait, dès le 10 décembre 1958, nouvellement promu président du Conseil des ministres, il édicte le « décret fixant le mode et lieu d’exécution des peines capitales prononcées par les juridictions militaires d’Algérie ». Ce décret signé avec P. Guillaumat, ministre des Armées et M. Debré, garde des Sceaux, reconduit le décret n° 56-269 du 17 mars 19S6 signé par G. Mollet, M. Bourgès-Maunoury, F. Mitterrand et R. Lacoste en y ajoutant, en son article 4 bis, que les condamnations à la peine de mort « reçoivent effet au lieu où le tribunal a prononcé son jugement ».

Il prévoit donc dès son arrivée par putsch militaire du 13 mai 1958, faut-il le rappeler, l’augmentation du nombre des prisons où l’on devra guillotiner. La messe est dite avant d’avoir été prononcée. Il ne répugnera pas, non plus, et couvrira le recours à des procédés dits non conventionnels. En particulier, les Détachements opérationnels de protection (DOP), composés d’officiers du SDECE, étaient chargés des interrogatoires des prisonniers et suspects. Ils n’ont été dissous que le 31 août 1961 et leurs personnels répartis au sein d’autres formations, sans interdiction aucune de poursuivre leurs méthodes. Le discours fallacieux en faveur de la paix n’est destiné, en priorité, qu’à abuser l’opinion des Français, de plus en plus nombreux à demander le rapatriement sans plus tarder du contingent. Il convient de rectifier et dénoncer les versions retouchées s’appuyant sur des connaissances tronquées, au mépris de la réalité établie par des documents banalement accessibles, comme le Journal officiel ou les articles de presse. A titre d’exemples· de falsifications grossières, vérifiables par tout un chacun, les déclarations de plusieurs intervenants, publiées dans les « Actes du colloque, 29-30 novembre 2001, Palais du Luxembourg : de Gaulle et la Justice ».

On y relève page 44, sous signature J. Delarue : « J’ai dans mes archives la photocopie de la liste, de la main du bourreau d’Alger, des exécutions auxquelles il a procédé en un an, de 1957 au printemps 1958, 142. C’est un des cas où on trouve des quadruples exécutions ce qui en France était exceptionnellement rare (des triples, de nombreuses doubles). Après l’arrivée du général au pouvoir, il n’y a plus eu que deux exécutions à Alger, c’est dire combien, il était sensible à ce problème ». Sans commentaires. Plus bas, l’ancien ministre de la Justice, J. Foyer, persiste et signe : « Dans cette période, le plus grand nombre d’exécutions capitales a eu lieu alors que le quatrième président de la République était garde des Sceaux. »

Nous signalons que les archives concernant les condamnations à mort sont répertoriées à la Direction des affaires criminelles et des grâces à son ministère. Il est vrai que les approximations ne nécessitent pas de vérifications. A son actif, ce garde des Sceaux du gouvernement Pompidou, d’avril11962 à avril 1967, a raconté dans ses mémoires, publiées en 2006, comment il a usé de subterfuges pour éviter les condamnations à mort des chefs OAS et reclassé, avec avancement, les commissaires du gouvernement des TPFA ayant requis et obtenu des têtes d’Algériens, au Conseil d’Etat, à la cour de cassation et à la Chancellerie. Il y fait, aussi, étalage des précautions prises lors de la rédaction des lois d’amnistie afin d’éviter que les membres du FLN n’en bénéficient. Pourquoi ? Ils en avaient besoin ? A. Peyrefitte, autre garde des Sceaux, a révélé que « la guillotine fonctionnait si souvent qu’elle marchait mal et que les exécutions devenaient aléatoires.

Le ministère de la Justice étant pauvre, F. Mitterrand demande à son collègue Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense, d’en fabriquer une autre, ce qui fut fait à l’arsenal de Toulon, et de la lui livrer gratuitement ». Il oublie de signaler que de Gaulle s’en était servi à pleines mains. A remarquer qu’aucun des deux n’a émis la moindre observation sur l’institution dont ils ont occupé le poste au sommet et qui avait rendu les arrêts de mort. Le sang des Algériens, après avoir été répandu sans modération, alimente aujourd’hui les spéculations franco-françaises des deux partis rivaux qui se disputent en mentant quelques bulletins de vote et un rôle présentable devant l’histoire : sauvegarder la stature d’un de Gaulle pour les uns, réhabiliter la gauche mitterrandienne pour les autres. Mais les deux camps restent complices in solidum sur un point, comme jadis sur les exécutions : maintenir les archives barricadées derrière un arsenal de lois, décrets et circulaires tous exécutifs et partis confondus, pour continuer à soustraire la vérité à leurs concitoyens. La Circulaire du 13 avril 2001, dernier texte en date, édictée par un chef de gouvernent socialiste, pour théoriquement faciliter l’accès aux archives publiques en relation avec la guerre d’Algérie est un tissu de dispositions discriminatoires, en cascade, introduisant plus de restrictions que les textes antérieurs.

En particulier, elle établit une censure préalable pour apprécier le sérieux de la demande, en s’assurant le cas échéant des capacités et de la motivation (ou motivations ?) de la personne dont elle émane. Pour un aperçu sur l’exigence de capacités, il semble tout à fait pertinent de signaler le cas d’espèce de Mme A. Freyssinier qui intervient justement à ce colloque, sous l’intitulé « L’exercice du droit de grâce, par le général de Gaulle » (p. 287 et ss). Après une introduction érudite, citant Sénèque dans le texte, elle traite des condamnations à la peine capitale de 1959 à 1969. On cherche désespérément la moindre allusion aux arrêts rendus par les TPFA et naturellement aux recours en grâce des Algériens.

Selon cette latiniste, néanmoins nantie d’une mémoire spongiforme, « sur cent quarante-six condamnations prononcées par les cours d’assisses, douze ont été exécutées, soit une proportion de peines commuées s’élevant à 91,7% ». On relève au premier abord la confusion sur la compétence de la juridiction, appelée en langage savant, la compétence ratione materiae, puisque les Pouvoirs spéciaux dessaisissaient, selon la matière, les Cours d’assises au profit des TPFA. Par contre, elle connaît l’existence du Haut tribunal militaire qui a condamné les trois légionnaires des « commandos Delta », cités par elle et Bastien-Thiry, l’auteur de l’attentat contre le général, passés par les armes tous les quatre. Se pose, alors, une question : Qui sont les huit autres exécutés ? Et, pourquoi seulement huit ? Alors que les quotidiens français publient, en juillet-août 1960, le nombre de huit pour Montluc, La Santé et Dijon.

Il y eut cinq autres, de février à avril 1960 et deux, en septembre 1960 et janvier 1961, soit quinze, en France, en moins d’une année (sous réserve de la liste des guillotinés dans les autres centres de détention, telle la prison des Baumettes, à Marseille). Et, toujours sur les mêmes quotidiens, onze guillotinés, entre août et octobre, à Oran, Tlemcen, Orléansville, Mostaghanem, Tizi-Ouzou, Médéa, Alger ; en application, bien sûr, du décret n° 58-1201 pris le 10 décembre 1958. Cette omission serait anecdotique si elle n’était qu’individuelle. Or aucun intervenant sur les vingt-cinq présents n’a évoqué l’affolement de l’instrument sanglant à l’usage de sa diplomatie, ni mentionné l’inspiration vichyste de la création, des tribunaux permanents des forces armées dont il avait étendu les attributions.

A savoir, la Loi du 14 août 1941, complétée par celle du 7 septembre, à l’initiative de Pierre Pucheu, créa les sections spéciales, habilitées à juger en violation des principes de non-rétroactivité des lois et de l’exception de minorité, et sans instruction, tut comme les TPFA, instaurés une dizaine d’années seulement après la fin de Vichy, par le décret n053-1261 du 22 décembre 1953. Soit, un an avant le premier coup de feu du 1er Novembre 1954. Pucheu le paya de sa vie après un procès retentissant en 1944, et ironie de l’histoire, à Alger. Mais il est vrai que ses victimes, envoyées à l’échafaud, étaient de meilleur teint que les Algériens. Néanmoins, ce colloque a le mérite d’être représentatif d’une exploitation partisane qui consiste à procéder à un tri sélectif des données, pour les besoins d’une cause. De plus, il se tenait à la Chambre haute du Parlement qui venait de voter la Loi de 1999, par laquelle il confessait, enfin, avoir menti à ceux qu’il était censé représenter.

Ces arguments constituent des motifs surabondants pour justifier les revendications d’accès libre, sans restrictions, aux archives ayant trait à la présence française en Algérie, dans l’intérêt de la manifestation de la vérité. Seule cette mesure salutaire mettrait un terme aux spéculations en permettant une analyse contradictoire. Qui peut soutenir rationnellement, que des faits révolus depuis un demi-siècle exposeraient la sûreté de l’Etat ou la défense nationale ? L’institution exorbitante, par la circulaire du 13 avril 2001, d’un pouvoir discrétionnaire en faveur d’une personnalité qui apprécierait, en préalable, les qualités du demandeur, sur critères occultes, sinon à la tête du client, n’apporte nullement une garantie d’objectivité, et encore moins une garantie de capacités, comme le prouvent les exemples rapportés ci-dessus. Il sera bien difficile de faire plus approximatif et plus tendancieux. Chahid Abderrahmane Lakhlifi était le benjamin du couloir de la mort du Fort Montluc. Il n’est resté persuadé jusqu’à l’arrivée de ses bourreaux que l’absence de preuves dans le dossier d’accusation et son jeune âge infléchiraient la sentence. Il a laissé une lettre a son père et sa mère où il exprimait son amour pour sa patrie qu’il rêvait de voir libérée et leur demandait de l’excuser pour la peine qu’il leur fait.

Son exécution prédéterminée avait suscite autant d’indignation, parce que c’était emblématique des procédés coutumiers d’une justice de la honte qui s’adonnait à la pratique du meurtre légal depuis la tombée de la nuit coloniale sur l’Algérie. Derrière les murailles des forts, la guillotine était un instrument, de vengeance et d’appoint entre les mains d’un Guy Mollet et d’un de Gaulle qui n’en finissaient pas « d’écraser le FLN par tous les moyens ». Il n’est pas question, bien sûr, d’énumérer, ici, « tous les moyens ». Signalons, tout de même, la promulgation du Règlement de discipline générale des armées qui proscrit la torture, en date du… 1er octobre 1966. Dommage, qu’il ne l’ait promulgué plus tôt !

Enfin, ne pas omettre de rappeler que ces actes irrévocables ont été exécutés, trois ans durant, sous le ministère du réputé très humaniste et pieux Garde des sceaux, Edmond Michelet. Reconnaissons qu’il finit par démissionner… à la veille du 17 octobre 1961. A la mémoire de tous les jeunes Abderrahmane, enfantés par la génération d’élite du 1er Novembre 1954, qui ont écrit de leur sang la Geste algérienne, cette contribution reconnaissante pour la libération de la patrie, en hommage à leur courage viriliste émancipateur.

- Paris, le 21 octobre 2007

Sources :

• Actualité de l’émigation n° 106-1987 : « Couloir de la mort », par Mustapha Boudina (CCA).

• Tract Front de libération nationale - Fédération de France, 20 septembre 1960.

• El Moudjahid n° 71/14 octobre 1960 (Centre culturel algérien).

• EL Djeich, n° 508, novembre 2005.

• La documentation française (microfilm) : Le Monde /28 juil-8 août 1960 ; L’Humanité/juil- août 1960 ; L’Express/juil-août 1960.

• Jorf. (Lois et décrets) 12 dec. 1958 (p. 11173) et 19 mars 1956 (pp. 2656,2657) ; décret n° 53-1261,23 dec.1953 (pp. 11478,11479).

• Les archives en France. Rapport au Premier ministre. Guy Braibant (La documentation française, 1996).

• Actes Colloque-Palais du Luxembourg /29-30 novembre 2001 : « De Gaulle et la justice (éditions Cujas, avril 2003).

Zahia El-M. Gonon

25e anniversaire de l’assassinat de Kamal Amzal : Ancêtre du combat citoyen

novembre 3rd, 2007

Un quart de siècle déjà. Que le temps file ! et les oublieux ou amnésiques filent assurément du mauvais coton.

Un quart de siècle après l’assassinat de l’étudiant Amzal Kamal sur le campus de Ben Aknoun, les luttes idéologiques, politiques et sociales qui sustentaient le substratum de telles dérives n’ont pas substantiellement changé malgré le drame d’octobre qui frappera la jeunesse algérienne six ans plus tard, malgré les tentatives d’ouverture démocratique et de libéralisation économique opérées depuis les années 1990 et, enfin, en dépit de multiples autres assassinats qui ont emporté de simples citoyens comme des hommes de culture de la trempe de Tahar Djaout, Boucebsi, Matoub Lounès et d’autres encore.

Et si le décor de l’Algérie des années 90 était planté en cette soirée du 2 novembre 1982 ? Il y a tout lieu, rétrospectivement, de le penser. La gestion de la donne islamiste, comme dans la plupart des pays arabes ayant pour seul souci la pérennité des régimes en place, obéissait à un jeu d’équilibrisme dangereux qui opposait la gauche progressiste à la frange la plus conservatrice du courant religieux. Dans la pratique, ce jeu a longtemps pris pour arène les campus des universités. Outre ce clivage idéologique classique et commun à plusieurs pays, l’Algérie se retrouvera avec les “circonstances aggravantes” d’une mouvance berbère qui n’a rien d’une idéologie importée ou d’un courant politique qui chercherait la prise de pouvoir, ce qui, certainement, aurait facilité sa domestication par la grâce de la rente et des privilèges.

Il se trouve que la revendication berbère a une profondeur historique indéniable et une légitimité populaire qui a fait d’elle un serment et un flambeau portés par des générations entières de militants humbles ou aguerris, avant et après l’indépendance du pays. Ce qui avait suscité plus de panique et de réactions violentes des différents clans du pouvoir, c’est surtout la jonction réussie entre la revendication berbère et les aspirations démocratiques du peuple algérien. La militance berbère a pu intégrer, particulièrement après le Printemps de 1980, les questions des droits de l’Homme et des libertés démocratiques dans un même corpus théorique et un même combat pratique.

Cette démarche a surtout pu fleurir dans les campus universitaires où les militants de la cause berbère avaient aussi à s’assumer en tant que démocrates dans toutes les tâches dont ils allaient porter le fardeau : gestion des cités universitaires, lutte pour de meilleures conditions d’enseignement et pour une pédagogie moderne délestée des griffes de l’arabo-islamisme, combat pacifique pour l’expression démocratique dans une université qu’ils voulaient comme porte-étendard des idées de progrès.

C’est dans ce cadre qui convenait très mal à la dictature du parti unique et de l’islamisme rampant de l’époque qu’il faut situer l’assassinat, il y a 25 ans jour pour jour, de l’étudiant Amzal Kamal dans le campus de Ben Aknoun par des fous de Dieu armés de poignards et de barres de fer.

L’enfant de Tiferdoud reçut dans son corps cet arsenal de guerre, aux cris de Allah Ouakbar, au moment où, avec son camarade Aziz B., il déployait une affiche à coller sur le mur du foyer, affiche appelant à renouveler le comité de cité par la tenue d’une assemblée générale des étudiants.

La jeunesse kabyle qui a inauguré le nouveau millénaire par la contestation citoyenne et la revendication d’une véritable démocratie est en droit d’être informée du parcours et du combat de ses aînés qui ont ouvert le chemin vers plus de liberté et de dignité, qui ont fissuré le mur du monolithisme castrateur du parti unique et tenu tête aux nervis et spadassins des temps modernes qui ont juré la perte de l’Algérie historique de Massinissa, Kahina et Abbane Ramadane.

Le mérite du combat de la génération de Kamal Amzal est d’autant plus noble et éminent qu’il ne s’inscrivait dans aucune logique étroite de chapelle politique ou de calcul d’intérêt. Sur leurs frêles épaules d’étudiants descendus des montagnes de Kabylie, ils ont porté haut et fort les aspirations profondes et légitimes de leur peuple ; ils ont ouvert la voie, dans l’adversité la plus tenace et la plus crasse, vers un combat loyal, pacifique mais déterminé pour les causes justes, et celles de la démocratie et de l’amazighité en font largement partie. Kamal Amzal a été de ceux qui ont ouvert cette voie ; il a inauguré, du même coup, le martyrologe de la citoyenneté.

Amar Naït Messaoud

Rédigé par Laichaoui et tiré par Zamoum : Le tract d’Ighil Imoula a soulevé le peuple algérien

novembre 3rd, 2007

Un des obus, tirés de Boghni, a atteint de plein fouet une dame qui était à son neuvième mois de grossesse. L’obus a transpercé l’abdomen de la malheureuse femme et a éjecté son bébé et ses tripes par terre.

Une de ses filles rescapée, qui était dans le groupe en fuite a eu le courage de ” ramasser ” le bébé de sexe féminin avec le tas d’intestins, une vieille dame qui a vu la scène est accourue pour couper le cordon ombilical qui liait le bébé aux tripes de sa mère, la fillette a vécu 6 mois et est morte des suites des complications de santé en l’absence de médecin aux alentours du village. Le même obus avait causé 6 morts dont la malheureuse dame, son beau-père et deux de ses trois filles.

Voilà une des scènes les plus affreuses qu’a fait subir l’armée française au peuple algérien, aux villageois d’Ighil Imoula, en Haute Kabylie, où est rédigé, tiré puis diffusé ” l’appel du 1er Novembre 1954 “. l’appel libérateur du joug colonial.

La route qui mène vers le berceau de feu Ali Zamoum, du colonel Si Salah, alias Mohand Zamoum, frère du premier ; terre natale des Asselah, ceux morts pour la patrie durant la guerre de Libération nationale ou ceux tombés sous les balles des terroristes – le directeur de l’Ecole nationale des beaux arts et son fils - est certes fraîchement revêtue, mais ce chemin qui monte vers la colline d’Ighil Imoula ne tarit pas de mémoires d’événements d’avant et d’après guerre 1954/1962.

La maison-musée d’où furent tirés les tracts appelant le peuple algérien à se révolter contre la présence illégale des Français sur sa terre, vous parle sans l’interroger ! Même amputée de la machine qu’a fait tourner feu Ali Zamoum une nuit d’octobre 1954, -la ronéo est au Musée national du Moudjahid à Alger-, la maisonnette est restée là, debout et toute fière, comme pour perpétuer une histoire qui continue d’en faire d’autres à ce jour.

Ahcène Chérifi, qui n’est pas moins doté ” d’histoires “, nous propose d’être notre guide. Une rencontre inopinée en somme avec cet ancien détenu de Lambèze-Tazoult entre 1976 et 1981, qui a tout le mérite de nous emmener à travers des contes fabuleux et non moins douloureux. Des souvenirs d’hommes et de femmes racontés par des survivants à une guerre atroce, une guerre sans merci livrée par l’armée française sous l’autorité d’une administration coloniale des plus abjectes en qu’a connu le monde après la capitulation des nazis en 1945.

A Ighil Imoula, par les Français et marginalisé par l’Etat algérien –le village donne une vraie image de déshéritement – il reste à ce jour quelques hommes et femmes qui ont fait la guerre pour nous la raconter. Ammi Ahmed, dit Gabi à l’époque de feu et de sang, nous parle de la maisonnette, des jours ayant précédé le tirage du tract et de la complicité des militants nationalistes pour camoufler le bruit que faisait la ronéo. ”

La première mouture du texte avait été rédigé par M. Laichaoui qui était journaliste. Je ne peux vous dire qui l’a ramené d’Alger, mais je peux vous attester qu’il fut hébergé chez Omar Ben Ramdani qui était chargé de dactylographier le texte chez lui, dans cette maison ” et il nous montre de son doigt la demeure de Si Omar située à deux pas de la placette du village, puis d’enchaîner : ” Avant la frappe du texte, le manuscrit avait été soumis par Ali Zamoum à Krim Belkacem, qui tenait son QG à Mâatkas, pour lecture et approbation.”

Le texte a été approuvé et a été envoyé à Omar Ben Belkacem en moins de 24 heures. Celui-ci l’avait ensuite remis à Ali Zamoum pour le tirer en plusieurs centaines d’exemplaires et acheminé le lendemain vers tous les chefs de zones militaires préalablement organisés pour donner le coup de feu d’une révolution armée et sans concession. “La ronéo était ramenée par feu Ali Zamoum d’ailleurs, je ne sais d’où exactement. Il l’avait installée dans le grenier (Takanna) qui se trouve au dessus du café. Et pour camoufler le bruit qui fusait de la machine, il a chargé un groupe de militants de remplir le café et provoquer le maximum du brouhaha, d’ailleurs, ça me reste en mémoire, le passage du garde-champêtre en fin de soirée prés du café pour patrouiller, à ce moment, les complices de Ali Zamoum se mettent à crier et à taper fort créant un grand bruit au moment où la ronéo dégageait le sien, sans que le supplétif des colons n’y prête attention”, se rappelle encore Ammi Ahmed. Gabi a eu un rôle très controversé durant la Révolution. C’était ce qu’on appelait durant le paroxysme de la guerre froide, un agent double. Il était supplétif de l’armée française mais il convoyait les armes et les munitions ainsi que des informations sur les plans de mouvements des soldats aux moudjahidine.

Avant l’aube, le téméraire feu Ali Zamoum acheva le tirage en milliers d’exemplaires de la ” Proclamation au peuple algérien, aux militants de la cause nationale ” qui retracera les raisons d’un soulèvement et les buts d’une révolution. Le message a été reçu : le 1er Novembre à minuit tapante, la guerre contre l’occupant français fut déclarée par les armes.

Quand les femmes adoptent la cause de leurs maris

Automne 1954. Abdellaoui Hlima, 16 ans. Les Français célèbrent La Toussaint nuit de rêves pour Hlima qui prépare son mariage, nuits de fêtes pour les colons qui jouent à l’Halloween et honorent leurs morts. Loin s’en faut. Les hommes, eux, enfants de Djebel (imes dhourar) vont faire éclater le plomb en Kabylie, à Alger, dans les Aurès, à Boufarik où le groupe qui devait provoquer les hostilités a fait défaut et il sera remplacé par un autre groupe parti de Kabylie. A Ighil Imoula, 25 jeunes, parmi lesquels figuraient Ali Zamoum et son frère Mohamed qui devint ensuite le colonel Si Salah, prirent le maquis avant le 1er coup de feu. Ils participèrent au baptême de feu à Tizi-N’tleta. Quatre d’entre eux seront tués en durant la bataille d’Ait Amer, à Ait Bouadou 1955 par l’armée française. Ils étaient les premiers chahids du village. Leurs corps furent acheminés à dos d’âne par l’armée coloniale pour les jeter à la placette du village. C’était une manière de donner l’exemple à ceux qui envisagent de suivre leur cause, pensaient faire les militaires.

Dans la demeure familiale de Hlima, on prépare son mariage avec à Amar Yahi , un jeune du village émigré en France pour y travailler qui avait intégré par la suite la Fédération de France. ” J’avais à peine 16 ans quand je voyais Krim Belkacem venir chez Bouchetta Belaid où se tenaient les réunions de préparation et de coordination des actions devant enclencher la Révolution”, se rappelle Hlima.

Quelques mois passèrent. Hlima rejoint la demeure de son époux. Elle était mariée alors qu’elle n’avait pas encore atteint l’âge de 17 ans. Sa nouvelle famille était déjà devenue le refuge des maquisards avec 6 ou 7 autres maisons du village. Les moudjahidine venaient se chauffer et se ravitailler chez ces familles qui leurs ont témoigné leur adhésion à la cause libératrice dès les premières heures de la Révolution. ” C’est là que j’ai lu sur leurs visages la hardiesse à mener le combat contre la présence des Français sur nos terres. Ils étaient mal pourvus en moyens de guerre mais ils étaient bien armés de courage et de détermination “, témoigne-t-elle.

Comme cette jeune dame, il y en avait des centaines d’autres qui épousèrent rapidement la cause de leurs maris. La cause de leurs pères, de leurs frères. La cause des hommes va-t-en guerre. ” Après le dîner, je m’isole dans le grenier où je m’éclaire d’une bougie que je couvre du couscoussier, car il ne fallait pas que la lumière soit vive pour ne pas attirer l’attention des soldats qui assiègent le village, et je me mets à tricoter ou a coudre des chaussette en laine pour les moudjahidine. C’étaient là mes premiers actes de soutiens à nos hommes combattants”, nous raconte-t-elle encore.

De la préparation à manger au tricotage, Hlima ainsi que d’autres femmes avaient pris un autre virage dans leurs actions de soutiens.

Kaced Tassadit, Kaced Ouiza, Larbani Ouardia, Lounès Ouardia et Abdellaoui Hlima formèrent un réseau de collecte et d’acheminement d’argent au profit des familles des maquisards du village. Chacune d’entre elle avait un homme de liaison qui se charge de distribuer cet argent aux familles dont leurs noms figurent sur les listes que porte également chacune des cinq femmes du réseau. Pour Hlima, c’est Kaced Belaid qui fut son homme de liaison. C’était à l’époque du fort siège imposé par l’armée coloniale aux villageois.

Le jumelles ont mal visionnées les femmes !

Hlima se rappelle qu’après l’instauration du siège et l’application de “l’opération jumelles”, l’activisme était devenu trop risqué pour les hommes. Leurs mouvements et actions avaient sensiblement décrus. Le contact direct avec leurs familles était devenu impossible. C’est à partir de là qu’est né le sentiment d’aller encore plus loin et faire encore plus pour faire sortir les moudjahidine de l’isolement, non pas en leur frayant des chemins sécurisés pour accéder au village, mais c’est aux femmes de tromper la vigilance des soldats et acheminer l’essentiel aux maquisards. Le groupe se chargea alors de collecter les munitions et de les acheminer au maquis.

“Un jour, j’ai failli être prise en flagrant délit par les soldats français qui m’ont guetté du haut de la colline au moment où j’allais déposer les munitions que Gabi m’a remis, non loin du lieu où elles devaient être récupérées par les moudjahidine”, se rappelle encore Hlima non sans ressentir la même peur qui l’avait prise un demi-siècle en arrière. “Les femmes qui constituaient le groupe de soutien ne sont pas connues de tous, chaque homme de liaison avait sa propre interlocutrice sans qu’il connaisse les autres femmes ni celles-ci ne connaissent les autres intermédiaires. Les jours où nous fûmes autorisées à sortir du village après l’obtention du laissez-passer, nous dûmes se faire laides pour ne pas attirer les regards des soldats “, précise-t-elle également.

Son meilleur souvenir reste celui de la bataille de Boudjaêfrene où une embuscade meurtrière avait été tendue par les moudjahidine à un convoi de soldats français qui marchait vers le village en sifflant et chantant. “J’ai vu quelques soldats tomber sous les balles des vaillants moudjahidine, parla petite ouverture du mur du grenier, j’avais sur mon dos ma fille aînée et à mes côtés mon beau-frère qui tentait de me rassurer, car croyant que j’avais peur.

L’accrochage avait duré quelques heures. Nous avons perdu 6 hommes contre une quarantaine de soldats ennemis tués “, se rappelle-t-elle fièrement et de poursuivre ” le lendemain, j’ai eu mon laissez-passer pour cueillir les olives. Notre oliveraie se trouve justement être le lieu où avait eu lieu l’embuscade de la veille. Sur place, j’ai trouvé un tas de douilles de balles tirées des deux côtés (elle nous montre les douilles qu’elle a gardé soigneusement) et j’ai utilisé un casque de soldat ennemi que j’ai trouvé sur place également, pour ramasser les olives.”

Ighil Imoula compte plus d’une centaine de martyrs. Les survivants d’une guerre des plus atroce, qu’a connu le monde après la Seconde guerre mondiale au même titre que la Guerre d’Indochine, ainsi que les rescapés des opérations ” terres brûlées ” ont plein de souvenirs, pas toujours bons à entendre, sur les exactions et l’impitoyable force de la mort qu’a usé la France coloniale pour se maintenir en Algérie. Le tract d’Ighil Imoula a soulevé tout un peuple dont les forces ont été fédérées à la Soummam en 1956.

M.A.Temmar

La wilaya de Tizi-Ouzou inondée : Au moins 10 morts, plusieurs routes obstruées et des dégâts matériels

novembre 3rd, 2007

Les fortes chutes de pluies qui se sont abattues ce week-end dans la wilaya de Tizi-Ouzou ont fait des pertes humaines notamment dans la région de Tirmitine où l’on a enregistré deux morts. Il s’agit d’une femme et d’un homme qui étaient à bord d’un véhicule emporté par les eaux pluviales.

C’est aux environs de quatorze heures que les deux victimes ont été enregistrées tout près de la rocade sud de la ville de Tizi-Ouzou et particulièrement au niveau de l’échangeur qui débouche sur le chemin de wilaya numéro 128 et plus précisément au lieu dit Oued Falli, à quelques kilomètres seulement au sud du chef-lieu de wilaya de Tizi-Ouzou. Dans le même lieu, l’on a dénombré aussi, une autre victime qui a trouvé la mort après avoir été emportée par les pluies.

Un autre mort a été signalé du côté de la région de Makouda. Un enfant, écolier, vient s’ajouter lui aussi à la liste des victimes de ce déluge. Il y a bien évidemment lieu de souligner que les pluies diluviennes ont véritablement crée des moments de panique à travers les différentes localités de la wilaya de Tizi-Ouzou. En effet, en haute Kabylie, tout comme en Kabylie maritime, le constat est presque identique d’autant plus que les matériels étaient similaires.

De ce fait, la ville de Draâ Ben Khedda était carrément inondée où l’on a même relevé des infiltrations aussi bien à la Cité 200 qu’au niveau de celle des 200 Logements avec surtout des coupures d’électricité. D’autres dommages mais sans pertes humaines ont été également signalés du côté de la Nouvelle-Ville où le niveau des eaux a atteint dans certains endroits cinq mètres. C’est le cas du carrefour du 20 Avril, à proximité de l’université de Hasnaoua.

La circulation automobile était difficile avec une prudence maximale des automobilistes. D’ailleurs, maintes fois, des accidents ont été évité de justesse à la gare routière. Tout cela sans parler des autres éboulements ayant bloqué toutes les voies de communication et même l’autoroute Tizi-Alger qui a connu un désordre remarquable.

On a frôlé, à plusieurs reprises des carambolages. La RN 12 a connu un embouteillage au point où il était quasiment impossible de se frayer un chemin. Les voyageurs en provenance d’Alger ont, témoigne-t-on, passé plus de quatre heures pour arriver à Tizi-Ouzou. C’était une journée éprouvante aussi bien pour les villageois que pour les citadins.

Les intempéries n’ont épargné personnes. A Draâ Ben Khedda, pas moins de vingt familles ont été évacuées étant donné que leurs habitations ont connu des infiltrations. Par ailleurs, des affaissements de terrains enregistrés ça et là à travers la wilaya, ont bloqué les routes menant vers pratiquement toutes les communes.

D’autre part, il est utile de noter qu’une cellule de crise a été installée au niveau du siège de la wilaya. En effet, si cette dernière était à la disposition de la presse pour toutes informations utiles, il n’en demeure pas moins que la Protection n’a pas jugé utile de communiquer.

Contactée par nos soins, l’officier de permanence des pompiers nous a signalé que le chargé de communication ne travaille pas le vendredi. «On ne peut pas vous communiquer quoi ce soit puisque la cellule de communication est fermée aujourd’hui. Essayez de nous rappeler demain samedi, pour avoir des informations sur les intempéries de jeudi dernier», nous a-t-il dit. Enfin, hier, la population a repris petit à petit son train train quotidien, la région demeure toujours avec les stigmates des intempéries.

A.H.

Wilaya de Tizi Ouzou : Malaise aux auto-écoles

novembre 3rd, 2007

La première cause des accidents de la circulation, n’est pas l’état de la route ou des véhicules, c’est la mauvaise conduite », lance M. Babouche, directeur d’auto-école à Tizi Ouzou, en activité depuis 1981.

Les « auto-écoles honnêtes sont en train de disparaître. Devant la dégradation des conditions d’exercice, certaines écoles sont en train de vendre le permis de conduire, au lieu de former. Les candidats choisissent l’école qui offre plus de facilités financières, cela toujours au détriment d’une vraie formation », ajoute M. Babouche, ancien président de l’association des auto-écoles de la wilaya de Tizi Ouzou. Il dénonce le règne du tarif au forfait, qui satisfait le candidat, mais qui jette le discrédit sur les professionnels du secteur et aussi sur les examinateurs.

« La réglementation exige de rendre les résultats juste après l’examen, et non pas plusieurs heures plus tard. Il est impératif de moraliser le secteur, si l’on veut que le permis de conduire sanctionne réellement une formation optimale du candidat », conclut notre interlocuteur. L’anonymat de l’examinateur a été instauré par l’administration, mais l’association demande d’étendre cette mesure et de remettre les dossiers des auto-écoles le jour des épreuves.

M. Rabehi, actuel président de l’association, met l’accent sur le surnombre des auto-écoles, un phénomène apparu ces deux dernières années, et qui handicape lourdement ce secteur. « On a assisté à la distribution excessive des agréments, sans respect de la norme qui mentionne une auto-école pour 6000 habitants », nous dit-il. Il cite des chiffres : « Il y a 30 auto-écoles dans la daïra d’Azazga, au lieu de 15. Il y en a 71 à Tizi Ouzou, au lieu de 24 ».

Résultat, un manque à gagner pour l’ensemble des écoles, une baisse des tarifs et du niveau d’apprentissage. Une bonne formation coûterait 10 000 DA à l’élève. Aujourd’hui, les tarifs tombent jusqu’à 5000. Au lieu des 15 leçons de conduite requises, l’élève n’en fait que 5 ou 6. Une leçon qui devrait durer 45 mn, tombe à 15 mn, vu que le moniteur emmène trois candidats à la fois et les fait passer au volant un quart d’heure chacun. Une formation au rabais qui produit des chauffeurs approximatifs.

« Nous n’avons plus le choix. On peut fermer nos écoles du jour au lendemain », disent des anciens directeurs d’auto-écoles, qui n’arrivent plus à suivre la dévaluation qui frappe leur métier. D’où vient cette inflation d’écoles ? L’on indexe l’administration de wilaya, qui a ouvert les vannes des agréments sans tenir compte du terrain, des normes et des règles minimales d’accès à ce métier. Ils sont 250 à exercer actuellement dans la wilaya de Tizi Ouzou, et plusieurs dizaines de dossiers attendent l’agrément au niveau de l’administration des transports.

Il suffit de présenter un dossier administratif et un certificat d’aptitude professionnelle et pédagogique (CAPP). « L’administration ne respecte pas l’exigence réglementaire de deux années d’expérience effectives en tant que moniteur, avant de demander l’agrément en tant que directeur d’auto-école », dénonce M. Rabehi. L’on apprend que le diplôme est obtenu en trois mois, pour 15 000 DA, au niveau d’un centre de formation à distance. Il suffit d’avoir 21 ans, un niveau de 9e AF et un permis de conduire qui a 2 ans d’âge.

« Ce sont trois semaines de formation en trois mois, et au final, on obtient des formateurs qui ne savent pas démarrer une voiture », lancent les « anciens ». L’on soulève, par ailleurs, le problème des circuits d’apprentissage. « Au chef-lieu de wilaya, il y a un seul circuit des manœuvres, à l’intérieur de la station des fourgons et un autre pour la circulation. Ils sont insuffisants et inadaptés », conclut le président de l’association.

Djaffar Tamani

Hommage aux hommes de Novembre condamnés à mort en août 1955 à Tizi-Ghennif

novembre 3rd, 2007

L’œuvre des hommes ayant participé au déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954 à travers les patelins de la Wilaya III historique paraît loin d’être appréciée à sa vraie valeur ou d’avoir révélé tous ses secrets.

En effet, à Tizi-Gheniff, on a encore en mémoire des actions initiées ce jour-là par un groupe d’hommes prévenants ayant bravé les autorités coloniales en détruisant leurs propriétés. Ainsi, avant le jour J, les volontaires, la quarantaine environ, se sont réunis au lieudit Tizi-Baâfir sis au douar de M’kira, le 31 octobre 1954 pour les tout derniers préparatifs. Ils se sont scindés en groupes, se sont réparti les tâches et ont cerné les biens coloniaux à cibler.

A l’heure indiquée, un groupe s’est chargé de saboter les lignes électriques et téléphoniques afin de rompre toute liaison avec Draâ-El- Mizan, un autre a incendié un hangar de tabac appartenant à un colon répondant à C. Marius. Quant au reste, selon les récits que nous avons recueillis, faisaient le guet à plusieurs points du village.

Le lendemain, les autorités militaires stationnées dans la région ont aussitôt procédé à plusieurs arrestations. Quinze d’entre elles ont été arrêtées avant d’être condamnées à mort en 1955 d’après une note d’accusation datée du 25 août 1955 émanant du tribunal permanent des forces armées d’Alger. Certains de ces “novembristes” ont été tués avant même d’être jugés à l’exemple de Slimane Nacef qui a été torturé pendant trois jours à savoir les 5, 6 et 7 novembre avant son exécution le 08 novembre 1954, raconte son fils Ahmed.

“Il serait le premier martyr de la Révolution à l’échelle nationale. Pour confirmer cela, j’attends l’issue de l’enquête qui vient d’être menée par les services concernés jusque-là à travers 34 wilayas”, ajoute- t-il. Dans le but d’honorer la mémoire de ces hommes, les enfants de chouhada de la FFC ont collecté leurs photos et quelques brèves d’informations les concernant et les ont exposées les mercredi et jeudi derniers au niveau du musée stèle Ali-Mellah.

Par ailleurs, un appel est lancé à l’ensemble des citoyens les exhortant à collaborer par des archives, des articles de presse, des photos, des témoignages ou autres se rapportant à la Révolution pour la sauvegarde du riche patrimoine historique que recèle la région. Signalons enfin que sous une pluie battante, des gerbes de fleurs ont été déposées au pied des monuments érigés à Adila, M’kira et Tizi-Gheniff.

A. S. Wahmed

IL A ÉTÉ INAUGURÉ JEUDI À TIZI OUZOU : Le pont du Sud-Ouest enfin réalisé !

novembre 3rd, 2007

Ce projet dont l’assiette a été retenue depuis près de trente ans aura longuement traîné dans les tiroirs de l’APC avant que le wali de Tizi Ouzou, Hocine Mazouz, ne juge de l’intérêt public d’extrême importance du projet et décide ainsi de sa réalisation contre vents et marées.

Le lotissement Sud-Ouest de Tizi Ouzou aura vécu une grande fête populaire, jeudi dernier, à l’occasion de l’inauguration du fameux pont qui permet de désenclaver désormais une bonne partie de la ville de Tizi Ouzou, jadis confinée dans un véritable ghetto par la faute de responsables insouciants et de convoitises inavouées.

Ce projet dont l’assiette a été retenue depuis près de trente ans aura longuement traîné dans les tiroirs de l’APC avant que le wali de Tizi Ouzou, Hocine Mazouz, et son collaborateur, en la personne d’Abdelmadjid Aït-Kaci, directeur des travaux publics, ne jugent de l’intérêt public d’extrême importance du projet et décident ainsi de sa réalisation contre vents et marées.

Confié à l’ENGOA pour sa réalisation et à l’ETRHB Haddad pour le revêtement, ce bel ouvrage, initialement bien ficelé par le bureau d’études Saïti, a enfin vu le jour au moment où les résidents étaient confrontés à de graves problèmes de transport et d’assistance sanitaire dans la mesure où les taxis et les ambulances ont souvent refusé de desservir ce lotissement, au grand dam des riverains. Extirpé du programme communal de développement du fait que tous les présidents d’P/APC qui ont défilé durant ces deux dernières décennies à Tizi Ouzou, le pont du Sud-Ouest a été finalement confié par le wali de Tizi Ouzou à la DTP de wilaya et l’ENGOA, déjà rompue à ce genre de réalisation d’ouvrages d’art, qui a pris le pari de le réaliser de fort belle manière en l’espace de six mois à peine, alors que son échéance était bien de huit mois.

“En travaillant d’arrache-pied, nous avons gagné deux mois d’avance dans la réalisation de ce beau projet et nous partageons amplement la joie et le bonheur des résidents du Sud-Ouest qui n’auront plus à effectuer un long détour pour se rendre chez eux”, dit M. Settouf, chef de projet de l’ENGOA, qui aura réalisé, en fait, un véritable chef-d’œuvre urbanistique.

Voilà comment ce projet de grande envergure a vu enfin le jour à Tizi Ouzou, et ce, par la grâce des responsables compétents et intègres alors que le terrain d’assiette d’un tel projet avait fait l’objet de tant de convoitises et de jeux de coulisses, très souvent encouragés par la complicité de certains élus locaux qui ont défilé à la municipalité.

C’est dire que les habitants du lotissement Sud-Ouest auront fêté tel qu’il se doit en cette occasion propice du 1er Novembre, un grand acquis qui aurait dû naître il y a plusieurs années, si la “gestion de la cité” était réellement de mise durant ces deux dernières décennies. En fait, il vaut mieux tard que… jamais !

MOHAMED HAOUCHINE