Les harragas de Tigzirt à cœur ouvert : “ Même s’il ne me restait qu’un jour à vivre, je tenterais de fuir ce bled”

Tigzirt, une région qui se situe sur le littoral de la Kabylie est également atteinte par le phénomène des harraguas. A l’instar des autres jeunes de l’Algérie, les jeunes livrés au chômage, à la misère et à l’impasse ne rêvent que de trouver un échappatoire capable de leur ouvrir les horizons pour aller vivre sous d’autres cieux plus cléments.

Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour fuir un pays qui désormais ne peut garantir un minimum d’espoir à ses enfants.

Il y a près d’une année, à Tigzirt, nous étions en conversation avec Mohand, un ami de longue date. Soudainement un autre jeune trentaine environ a fait signe discrètement à nous laissons Mohand, lui signifiant qu’il avait besoin de lui parler. Avec indifférence et sans la moindre curiosité nous laissons Mohand avec ce jeune. A la fin de leur conversation spontanément Mohand nous dira surpris “ Vous savez ce que me demande ce jeune ?”. “Quoi donc ?”, avons-nous répondu avec curiosité. “Imagine, il me demandait de lui trouver un réseau pour en tant que harragua ?”. Cette histoire nous l’avons vécu il y a près de quatre mois.

En se demandant sur l’identité du jeune, Mohand nous répondait qu’il habite Lazaib, un village limitrophe de Tigzirt. Le candidat harragua, a choisi Mohand pour lui demander ce service, sachant que ce dernier habite un village qui se situe sur le littorale, mais aussi il est employé dans une ville limitrophe, plus exactement Dellys ville qui dispose d’un port.

Depuis avec notre ami Mohand, la conversation tourne autour de ce sujet. “Vas-tu lui rendre ce service ?” avons-nous dit. “Evidemment je lui ai répondu que je ne connais rien du tout ce phénomène” et d’enchaîner “même si j’ai la possibilité de l’aider ou de l’orienter, ma conscience ne me permettra jamais de lui indiquer cette voie du risque et de mort”.

Depuis ce moment notre ami est quelque peu désorienté et triste : “c’est incroyable. Il reste plus de ce bled. Le fait que les jeunes pensent à ces solutions extrêmes, est signe d’une grave crise sociale… Ce jeune m’a parlé de son désespoir et cela m’a touché sérieusement”. Le jeune candidat aurait dit à Mohand “Je vous prie aidez-moi, je n’en peux plus j’ai envie de m’évader de ce pays rien de ce cauchemar à m’importe quel prix”. Depuis cette scène vécu de près, nous avons tenté de nous intéresser à ce phénomène qui avait toutes les chances de prendre de l’ampleur.

Quelques jours après nous avons essayé d’approcher Samir, un autre ami qui nous savons branché à l’idée de fuir le pays. Contrairement aux autres Samir âgé de 34 ans environ est à la recherche en vain d’un visa depuis plusieurs années. Il cherche à fuir par la voie la plus classique qui consiste à entrer en France après l’obtention d’un visa touristique et se débrouiller par la suite pour y rester.

Samir est l’un des jeunes qui ont utilisé toutes les possibilité pour obtenir ce fameux visa.

“ J’ai cherché toutes les possibilités d’intervention de personnes connu dans ce milieu, j’ai même tenté de l’acheter pour 18 millions de centimes” nous dira Samir. Sur son visage l’on pouvait lire la tristesse et le dégoût et pourtant il exerce une activité à son propre compte et donc n’est pas chômeur. Chaque année qui passe alors qu’il se sent encore prisonnier au pays le rend encore plus triste et taciturne. Il regrette amèrement d’avoir remis les pays au bled l’an 2000, après avoir a séjourné près d’un mois dans la capitale française. “Lorsque j’ai tenté de repartir après l’an 2000, toutes les portes étaient fermées devant moi et je me demande pourquoi ?”. Le sentiment de frustration et de cette misère psychologique l’a rendu vulnérable et même superstitieux. Tout au long de notre conversation, il ne cesse de nous parler de malchance et d’autres idées obscures. Nous avons parlé des harraguas à Samir. Il nous a répondu qu’il ne peut oser pour l’instant cette aventure trop risquée. En dépit de à sa tristesse profonde il tente de garder son self contrôle et de n’écouter que sa raison qui lui dicte de trouver un moyen de sortie par une voie normale et s’aventurer qu’une fois sur la terre de son rêve.

Sur l’existence des harraguas Samir nous répond par l’affirmative. “Oui comme tout le monde, je sais qu’il y a un réseau établi entre Tigzirt et Dellys. D’ailleurs j’ai entendu, il y a quelques jours, qu’il y a un groupe de jeunes d’ici qui ont été arrêtés à Dellys” nous a-t-il répondu.

Pour comprendre mieuxr cette affaire, Samir nous a parlé d’un jeune coiffeur. Lorsque nous avons tenté d’entrer en contacte avec ce dernier Samir nous a expliqué que ce dernier ne voulait pas prendre le risque de parler avec nous pour des raisons que nous ignorons.

Tous ces évènements ont eu lieu durant la deuxième quinzaine du mois de juin dernier.

Des jours passèrent sans pouvoir infiltrer le mystère des harraguas Tigzirt. A chaque fois que notre regard se portait sur le nouveau port de pêche et de plaisante de cette ville, nous avons en tête de trouver le fil conducteur afin d’entamer sérieusement notre enquête. A chaque fois les personnes sollicitées refusent de nous parler et même s’il existe des jeunes qui veulent parler ils se méfieront de la presse de peur de dévoiler leurs plans et faires avorter.

Près de deux mois après soit au début du mois de septembre dernier, nous étions dans une voiture conduite par Massinissa, une jeune de 24 ans qui croisé par hasard semblait nous connaître “C’est vrai que vous vous travaillez dans la presse ?” “Oui… ?” “Pourquoi n’as-tu pas cherché à parir de ce pays, pourtant vous les journalistes vous avez plus de chances d’arracher un visa ?” “Je ne sais pas ?… et Pourquoi toi tu veux partir ?”. Le jeune Massinissa son compagne ont éclaté de rire et en trouvant étrange notre question. “ Bien sûr que oui je meurs d’envie de fuir. Même s’il n’y me restait qu’un jour à vivre je tenterai de fuir ce bled et je ne revienderai plus”.. C’est à partir de ce moment que la discussion est lancée à grande allure avec ce jeune qui s’est avéré être l’un des candidat à l’aventure harragua. Devant nous séparer de ces jeunes et afin de ne pas perdre le fil nous leur avons demandé leurs coordonnées

Le deuxième rencontre avec Massinissa a eu lieu une soirée de la fin du mois du ramadhan dernier dans un village de la commune de Mizrana. En s’installant dans la voiture avec les regards des deux jeunes se sont portés sur ma main laquelle je tirais un carnet de notes de ma poche. “ça ne vous gêne pas que je prenne note ?” “Non ça nous fait plaisir le fait que tu écrive et nous sommes prêt à répondre au question et expliquer” ont-ils répondu presque en chœur.

Massinissa commence à nous dévoiler avec grand enthousiasme les secrets des harragua à Tigzirt.

Massinissa, débordant d’énergie, audacieux ressemble et armé d’une détermination tel un prêt pour toutes les batailles ses regards sont tellement rapides et furtifs, ses yeux brillent et à chaque parole il joint des gesticulations qui indiquent bien que chaque parole, qui sort de sa bouche provient de son cœur sur fond de sincérité et de conviction.

Ces jeunes nous évoquent tout d’abord l’exemple de Sofiane, un autre jeune qui a le même âge que Massinissa.

Sofiane est un jeune calme qui travaillait avec ses frères dans un commerce à Tigzirt. Il ne parle pas trop. Il aime le foot ball et la JSK.

Sofiane est actuellement en France. Il avait réservé le billet pour la Syrie au début du mois de juillet dernier. C’est lors du transit effectué en Italie que ce jeune a pris la fuite. Il a réussi à exécuter efficacement son plan et atterrir sur le sol français. Avec Sofiane, il y avait 9 autres jeunes de la région. trois d’entre eux ont été arrêtés, emprisonnés puis refoulés. Heureusement pour eux leurs passeports n’ont pas été estampillés de l’interdiction de sortie, donc les chances de tenter une autre aventure sont intactes. Alors que les 7 autres on réussi leur évasion et ont rejoint Marseille. Sofiane est arrivé blessé et d’ailleurs il a été hospitalisé pendant plusieurs jours. Aux dernières nouvelles, Sofiane se porte bien et il a réussi à trouver un job.

Massinissa connaît par cœur le plan de la filière syrienne. Et il n’hésite pas à nous le dévoiler : “Tout d’abord, il faut réserver pour la Syrie ce qui est une chose facile à un prix de 56 000DA.

L’avion fait une escale de 2 heures en Italie. C’est cette occasion qu’il faudra saisir pour fuir vers l’Europe” A Massinissa de continuer : “Une fois à l’aéroport de Rome, il faudra monter sur la terrasse. Vous trouverez la porte n° B24 qu’il faudra défoncer. Une fois à l’extérieur du bâtiment, il faudra traverser une clôture faite de barbelé. Pour éviter de se faire blesser, il faudra utiliser sa veste; la lancer au préalable contre ces berbelés pour qu’elle servie de protection.

D’ailleurs c’est à ce niveau que Sofiane aurait été blessé. Une fois à l’extérieur, il existe un marché qui s’organise tout les mardi. Dans ce quartier il existe moins de sécurité. Par la suite, il faudra prendre le train qui vous emmènera vers Marseille,” raconte-t-il.

Vu l’ampleur prise par ce réseau, ce jeune nous apprend que les autorités italiennes ont décidé d’intervenir et ont pris des mesures. Désormais ce n’est plus possible de fuir du fait que les voyageurs pendant le transit sont enfermés dans des salles clauses et surveillés de près.

Ces jeunes candidats en quête d’évasion nous parlent aussi de leur tentative de prendre le large dans des embarcations à partir du port de Dellys, qui se situe à 26 km à l’ouest de Tigzirt.

“Avec un groupe de jeunes nous avons tenté de prendre le large en tant que harragua pour un prix de 80 000 DA. Quelqu’un a du vendre la mèche. Le jour du départ l’équipe qui devait assurer la garde et avec laquelle nous avons fait l’affaire a été changée par une autre”, nous a raconté Massinissa. Le plan et le marché pour prendre le large ont été conclus avec deux personnes. A en croire Massinissas l’un d’eux aurait déclaré à l’endroit de son ami : Telâahoum Spania, Kher meli etalou Ledjbel”, ce qui veut dire “Faites les sortir vers l’Espagne, mieux qu’ils ne rejoignent les maquis terroriste”.

Selon ce candidat harragua, le voyage a été prévu dans une embarcation puissante par laquelle île rejoindront l’îls de Majorque.

De l’île de Majorque il ne reste qu’une distance de 80 km qu’il faudra traverser pour rejoindre la première ville espagnole et pour laquelle il faudra réserver la somme de 200 euros.

Sans pouvoir vérifier cette information ces candidats harragua nous parlent d’une possibilité de rejoindre le continent européen même à partir du port de Tigzirt. Le prix à payer serait de 16 millions de centimes. Les passeurs proposent de les emmener loin. Une fois au large il seront récupéré par une autre embarcation plus importante. A en croire une autre fois ces jeunes, beaucoup de jeune de Tigzirt se seraient porté candidats pour cette terrible aventure.

Avant de se séparer ces, jeunes nous ont affiché leur détermination à fuir le pays et pour cela tous les moyens sont bons. “Le pays est foutu. Même s’il me restait qu’un jour à vivre je trouverais le moyen de fuir”, nous a conclu Hakim, l’ami de Massinissa.

Aux derniers jours de notre enquête d’autres informations au sujet des harragua nous parviennent ça et là. Des personnes à l’exemple de Ramdane, nous ont même promit des contacts avec d’autre réseaux de passeurs établis à Dellys : “Je comprend le ras-le-bol de nos jeunes. Je suis un homme marié avec des enfants et si je trouve un moyen de fuir je n’hésiterai pas”, nous a déclaré Ramdane âgé près de 36 ans.

Au milieu des jeunes en quête d’évasion, le sujet des harragua est un secret de Polichinelle. Et à mesure que nous cherchions à mieux comprendre, nous avons constaté qu’il constitue un véritable fléau qui touche la grande partie des jeunes à Tigzirt.

Il risque de s’accentuer à la faveur de l’absence d’horizons meilleurs et un véritable plan Marshall pour la prise en charge sérieuse de cette importante frange de notre société qui devait constituer normalement la fierté, l’espoir et l’avenir de l’Algérie.

Mourad Hammami

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